« Chez nous quand de la vaisselle se brise, il y a toujours quelqu’un pour s’en réjouir ‘OKH !’ car ainsi la colère qui n’a pas été dite a eu moyen d’éclater ».
Peu après avoir écrit ce tweet, j’ai fait tomber une bouteille de verre vide qui s’est répandue en 1000 morceaux.
Surprise, j’ai cherché quelle colère s’épanchait si copieusement, et ai bien rit en balayant les débris : oui, un vilain constat m’avait fait grogner en dedans dès le réveil ce jour-là. La situation en soi n’avait pas changé, mais après la bouteille en miettes la journée fût plus gratifiante.
Une colère a besoin de sortir d’une façon ou d’une autre, j'étais contente que ce soit du verre qui trinque plutôt qu’autre chose.
Comme pour la colère, nous avons tous différentes façons de gérer les mauvaises nouvelles. Surtout ces jours-ci. Impossible de savoir quelle est la bonne, souvent on ne suivra que la sienne propre ou celle de l’habitude.
Il est pourtant intéressant d’observer et de questionner cette manière de gérer.
En quoi cette façon de voir, toute personnelle, est utile à nos aspirations ?
En quoi elle les dessert ?
Le philosophe Epictète le pointait dès l’Antiquité : « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinions qu'ils en ont. ».
Plus tard Paul Watzlawick[1] l’utilisait en observant qu'en effet, quel que soit le sujet, il y a toujours deux niveaux de perception de la réalité.
Le premier niveau est l’apparence de base, a priori similaire pour tout le monde (la bouteille qui se brise, ou une bouteille qui contient du vin). Mais notre perception en reste rarement là. « Presque invariablement, nous attribuons un sens, une signification et/ou une valeur aux objets de notre perception. Et c’est à ce niveau, niveau de réalité de second ordre, que les problèmes surgissent. »
Une bouteille remplie de vin est à moitié pleine pour l’optimiste, tandis qu’elle sera à moitié vide pour le pessimiste.
Watzlawick poursuit : ces « réalités de second ordre sont différentes, et il serait vraiment inutile d’établir qui a raison et qui a tort. » Partant de ce constat, son approche thérapeutique visait donc plutôt à établir des réalités de second ordre à la fois acceptables et plus salutaires pour ses patients.
Pour moi l’habitude iranienne à laquelle je répondais en tweetant, ou celle de ma famille sont salutaires car elles donnent un recul sensé, bienvenu quand le quotidien se brouille. Pourtant ce n’est qu’une manière de voir, parmi d'autres possibles.
L’ordre des choses n’est au fond jamais que le vôtre : celui que vous décidez, et qui peut trouver mille et une manières de se répandre dans votre décor. Il s'y répandra d'ailleurs d'autant mieux que vous suivez l'ordre qui vous convient, et que vous connaissez bien.
Si être coincé avec vous-même peut vous apporter une chose c'est bien cela : observer quel est cet ordre des choses que vous suivez, et le défier peut-être, pour arriver plus vite à vos fins.
[1] un des membres fondateurs de l’Ecole de Palo Alto
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