Dans certaines familles, on ne vit que pour les enfants. Tout le reste suit le rail de cet impératif latent, souvent l’unique guide de tous les autres choix possibles d’une existence : est-ce que cette décision me permet d’assurer le meilleur pour eux ?
Comme tout le monde est l’enfant de quelqu’un dans ces tribus-là, les liens s’auto-entretiennent cahin-caha, et l’on trouve toujours quelqu’un avec qui passer son temps libre. Même à ne rien faire, et bien sûr pendant les fêtes, pour le meilleur et pour le pire, car c’est ainsi que l’on se sent en sécurité. Tout autre mode de vie n’est juste pas concevable.
Il y a quelques années j'ai publié Le Corbeau, une histoire inspirée de cette préoccupation, poussée à l'extrême. J'ai la surprise de la voir avec un autre oeil, après être tombée sur deux rappels marquants de ces liens qui conditionnent la survie même de l’espèce humaine.
Avec cette savoureuse succession de tweets (oui, un thread), de Fabien Abraini d’abord.
« En très résumé » comme le dit ce curieux chercheur en humanité et thésard de l’Université de Corse, vous y verrez une mise au point salutaire sur la longévité et l’espérance de vie de nos ancêtres au paléolithique. L’intérêt est qu’il abouti à ces constats tout simples : on avait besoin de nos anciens.
Et il n’était pas question de morale alors, c’était vital car leurs compétences étaient indispensables.
Les chercheurs continuent de se poser d'autres questions mais parce que j'ai écrit cette histoire du corbeau, j'ai buté sur cet aperçu avec la grand-mère et son rôle dans la survie des enfants.
Un renouveau de ces leçons du passé se révèle encore par une toute autre voie : le rapport de l’humain au cheval. Le développement des pratiques d’accompagnement, voire même de thérapies incluant les chevaux se voit de plus en plus, mais savez-vous véritablement le pourquoi de la chose ?
J’ai eu l’occasion d’écouter Mireille Moulet, une soigneuse au parcours atypique, qui explique combien la sublime sagesse du cheval est dans la prégnance de ses capacités relationnelles :
« Nous réagissons en tant qu’humains avec notre raisonnement et avons peur de faire confiance à notre intuition.
Les chevaux vivent leurs émotions dans l’instant et ils nous renvoient à notre réalité personnelle. Avec leur intelligence émotionnelle très développée, ils sont de puissants révélateurs de nos relations aux autres et à nous-même, et sont nos miroirs. »
Les explications passionnées de Mireille partent elles aussi de l’évolution des espèces sur notre planète. Le passage du cerveau reptilien (instinct de survie pure), à l’apparition du cerveau limbique chez les mammifères est « un truc énorme dans l’histoire de la vie ! ». Les nouveaux-nés ont besoin de la protection et des soins des adultes pour grandir et survivre. Toute l’organisation de l’espèce en découle...
Parmi ces mammifères, il y a les chevaux, dont on date grosso modo l’apparition à 55 millions d’années avant aujourd’hui (quand l'espèce humaine remonte plutôt à 300 000 ans avec Homo Sapiens).
Les chevaux sauvages sont aujourd’hui plus rares, mais jamais nous n’en verrons un solitaire : un cheval seul ne peut pas survivre. Il ne sait pas faire. Depuis ces millions d’années de vie sur Terre, son fonctionnement reste empreint de ce mode de vie solidement ancré sur le lien comme principe de survie.
Et dans leur troupeau, quels individus sont les plus suivis à l’unanimité, à votre avis ?
Mireille rigolait doucement en écoutant nos réponses studieuses : les chefs ? les plus costauds ? Même s'il y en a quand même eu un plus sage parmi nous qui a pensé aux guetteurs.
Il n’y a pas véritablement de chef parmi les chevaux, il y a surtout quelques rôles clés assignés à certains individus pour que l’ensemble fonctionne et maintienne la survie de tous. Par exemple avec ces guetteurs, toujours en veille pour prévenir du moindre danger, et qui se relaient 24 heures sur 24.
Et puis surtout, il y a la ou les vieilles juments. Leurs expériences des maternités, des épreuves et autres turpitudes de la vie leur ont donné cette sagesse précieuse vers laquelle les autres individus savent se tourner, à l’unanimité quand il y a besoin de savoir quoi ou comment faire.
Ainsi donc, "l'homme" paléolitique a adapté la même précieuse connaisseuse de savoirs, respectée par l'espèce équidée.
Ces constats rappellent la puissance des liens pour assurer la survie, la cohésion, et la pérennité d’une espèce.
L’analogie avec les succès d’un groupe de personnes apparaît aussi évidente : quel que soit ce groupe - une entreprise ou une association, une famille, une tribu ou une nation - quand on travaille à son progrès, considérer la qualité des liens entre les individus est incontournable.
Et c’est bien sûr valable pour chaque relation entre personnes : nul n’échappe à cette responsabilité, c'est un défi autant individuel que collectif.
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